Le rapport Gille-Cherpion,« Un tir de barrage contre le Copanef » (Christian Janin, président)
Remous chez les partenaires sociaux
Le rapport Gille-Cherpion sur la mise en œuvre de la réforme du 5 mars 2014 suscite quelques remous chez les partenaires sociaux du Comité paritaire national interprofessionnel pour l’emploi et la formation (Copanef). S’estimant placé sur le banc des accusés, son bureau propose d’organiser une rencontre avec les deux parlementaires pour « lever les incompréhensions ». À ses yeux, le texte est empreint de « raccourcis » que le bureau du Copanef entend bien clarifier en organisant, dès que les agendas le permettront, une séance de travail avec les deux élus. (Sources : Le Quotidien de la Formation – Centre Inffo)
- Rigidité et complexité des listes.
- Élargir plus largement le champ des certifications pour en rendre un maximum éligible au CPF ?
- Etendre le rayon d’action du CPF ?
- Modifier le périmètre du CPF ; quelle place des partenaires sociaux dont les indépendants ?
- Synthèse des éléments de rapports évoqués par le Président du COPANEF..
Rigidité et complexité des listes
Le rapport, en effet, fait état (dans sa proposition n°6) d’un certain nombre de critiques à l’endroit de la gouvernance paritaire de la formation professionnelle et du résultat des actions que le Copanef mène depuis sa création en août 2014. Des critiques qui portent principalement sur l’élaboration des listes des certifications éligibles au compte personnel de formation (CPF) réalisée par le Comité. « Leur contenu et leur articulation pose aujourd’hui problème » écrivent les deux parlementaires, reprochant la « rigidité » de ces listes – qui excluent un certain nombre de formations des critères d’éligibilité du CPF – et leur complexité pour l’utilisateur.
Aujourd’hui, on compte près de 12 500 certifications recensées par le Copanef, toutes listes confondues : listes des branches professionnelles, listes régionales, liste nationale interprofessionnelle, inventaire. Trop abscons pour le grand public jugent les rédacteurs du rapport qui suggèrent une fusion de ces listes afin d’en faciliter l’accès à l’utilisateur à la recherche d’une formation. « Bien sûr que le système n’est pas simple pour le public, mais pourquoi vouloir fusionner ces listes ? L’utilisateur qui se connecte au site moncompteformation.gouv.fr n’est pas conscient de toutes ces subtilités techniques : pour lui, il n’y a qu’une seule liste qui s’affiche à l’écran, pas quatre » répond Christian Janin.
Elargir plus largement le champ des certifications pour en rendre un maximum éligible au CPF ?
Quant à l’idée d’élargir plus largement le champ des certifications pour en rendre un maximum éligible au CPF, elle se heurte, selon lui, à un certain nombre de réalités. Notamment financières : « faut-il ouvrir l’ensemble du Répertoire de la certification professionnelle (RNCP) au CPF ? Nous n’aurions pas les ressources pour tout financer » prévient le président du Copanef. « Globalement, on sait qu’il faudra réaliser un travail de classification et d’évaluation des listes, mais c’est trop tôt. Nous n’avons pas encore assez de recul sur le dispositif » prévient-il.
Etendre le rayon d’action du CPF ?
Une absence de recul qui le pousse également à écarter la suggestion des deux parlementaires (leur proposition n°5) d’étendre le rayon d’action du CPF au bilan de compétences ou à d’autres mesures comme la VAE ou la formation à la création d’entreprise. Trop éloigné de la vocation du CPF, selon Christian Janin.
Modifier le périmètre du CPF ; quelle place des partenaires sociaux dont les indépendants ?
Dans ses prescriptions, le rapport parlementaire propose également une rénovation de la gouvernance de la formation en suggérant de fusionner le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop), l’instance de pilotage des politiques de formation, avec le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), leur principal relais financier, au sein d’une nouvelle entité unique. Une idée qui est loin de susciter l’enthousiasme des partenaires sociaux. « C’est un tir de barrage contre le Copanef ! », résume Christian Janin. En effet, aujourd’hui, le Comité, où ne siègent que les représentants du monde syndical et patronal, constitue l’organe de gouvernance du FPSPP. Une fusion du Fonds avec le Cnefop réduirait donc considérablement la place des partenaires sociaux dans la gouvernance de la formation Le sujet est donc particulièrement sensible.
Mais pour Christian Janin, une telle fusion contribuerait aussi à modifier le périmètre du CPF. « Le FPSPP, alimenté par les contributions des entreprises, ne gère que le CPF des seuls salariés et demandeurs d’emploi. Pas des autres catégories de la population. Le Cnefop, lui, est une instance qui rassemble les partenaires sociaux, mais aussi les régions et l’État. Que se passera-t-il quand les acteurs publics voudront étendre le champ du CPF aux travailleurs indépendants ou aux fonctionnaires ? Le FPSPP deviendra-t-il l’unique récipiendaire de ces fonds, même pour des publics qui ne le concernent pas ? »
Source : Centre Info le 21 mars 2016
Synthèse des éléments de rapports évoqués par le Président du COPANEF
Réussir le CPF
Avec la « mise en place d’outils personnels et qualifiants au service de la sécurisation des parcours professionnels », c’est le compte personnel de formation (CPF), suivi du conseil en évolution professionnelle, de la validation des acquis de l’expérience et de l’entretien professionnel qui sont abordés : « Les rapporteurs soulignent le manque de recul et l’insuffisance de données et insistent en ce sens sur la nécessité de procéder à une évaluation in itinere »[1].
Les députés fixent déjà le curseur de l’évaluation à hauteur de « la capacité du CPF à répondre à sa mission première : être l’outil d’acquisition d’un premier niveau de qualification ou de progression d’un niveau de qualification supplémentaire pour tout actif ». Ce qui suppose entre autres de faire mieux connaître l’outil en engageant une « véritable campagne de communication audiovisuelle » (proposition n°3).
Accélérer le déploiement du CEP
S’agissant du CEP, les rapporteurs invitent à passer la vitesse supérieure : « Pôle emploi doit accélérer la montée en compétences de ses conseillers et l’ouverture de l’accès à un conseil de proximité », en dépassant la « simple mise en relation entre l’offre et la demande de travail » ; les Missions locales « doivent davantage formaliser leur activité de CEP et sont appelées à devenir un acteur central du dispositif ».
Plusieurs points d’amélioration sont repérés et repris dans la proposition n 4 : « accompagner la mise en œuvre du CEP en favorisant l’émergence d’une culture commune aux professionnels le dispensant, en clarifiant son articulation avec le SPRO[2] et en aménageant un conseil à distance. » Plus innovant, cette même proposition suggère également qu’ «une partie des crédits du « plan 500 000 formations » pourrait par ailleurs être consacrée au déploiement du CEP, dès lors que ce dernier est en « conditionne la réussite », souligne le rapport.
Relevant des « incertitudes à corriger », les auteurs évoquent dans la proposition n°5 la « mobilisation du CPF au titre des prestations de bilans de compétences », point évoqué dans l’avant-projet de loi El-Khomri.
Notant ensuite les « nombreuses incertitudes [qui] pèsent sur la pertinence des listes de formations disponibles et sur leur adéquation avec les objectifs fixés par le législateur », la proposition n 6 suggère de « faciliter l’appropriation du CPF (…) en fusionnant les listes et en dotant le Cnefop d’une compétence de régulation du système de listes ».
Clarifier les équilibres entre partenaires sociaux et État
Consacré à la « création de nouvelles instances », le chapitre IV appelle à « bien définir le rôle de chacun ». Au centre des enjeux, « en définitive, la question essentielle est celle de la légitimité des partenaires sociaux à gérer seuls des droits universels ».
D’où les questionnements qui habitent les rapporteurs quant à l’éventuelle fusion parfois évoquée entre le Copanef[3]et le FPSPP[4]. Les rapporteurs le soulignent, « le Copanef est devenu un organe « politique » de la formation professionnelle », ce qui questionne in fine la place et le rôle de l’État : « au vu de l’abondement financier provenant quasi exclusivement des entreprises, le FPSPP a tendance à jouer un rôle de gestion au service des organisations arrêtées par le Copanef. Cette évolution pourrait avoir pour conséquence de réduire le rôle de l’État dans la définition des objectifs et des moyens de la formation professionnelle ». Et les députés d’interroger : si le CPF et le futur CPA ont vocation à être gérés conjointement par les partenaires sociaux et la puissance publique, « le FPSPP n’aurait-il pas vocation à être rapproché du Cnefop ?»[5]
[1] Définition : évaluation effectuée tout au long du déroulement d’une politique, d’un programme, d’une action. Les effets n’étant pas encore aboutis, l’évaluation in itinere porte davantage sur la cohérence et la pertinence que sur l’efficacité d’une politique.
Synonyme(s)
Evaluation chemin faisant – Evaluation concomitante – Evaluation en continu.
[2] Service public régional de l’orientation
[3] Comité paritaire interprofessionnel régional pour l’emploi et la formation.
[4] Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
[5] Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles.